Vignoble
des Négondos
Un oasis pour Bacchus niché dans les Laurentides

En parcourant les plaines et les vallons de Mirabel pour me rendre au vignoble, au coeur d'une nature riche et vaste, généreuse d'un panorama pittoresque, je me suis du coup retrouvée touriste chez moi. Habitant les Laurentides depuis ma tendre enfance, bercée confortablement dans le silence apaisant des montagnes, c'est avec stupéfaction que j'ai découvert un aspect inédit de ma région, celui plus agricole, lequel arbore d'ores et déjà fièrement, en ce début de printemps, ses vastes champs. Bientôt nous nous abreuverons des mille et un délices de ce terroir savoureux encore beaucoup trop méconnu. C'est au coeur de ce paysage magnifique que se niche le vignoble des Négondos qui produit le seul vin certifié biologique au Québec.

À peine arrivée sur place, ma fille et moi avons d'abord été accueillies par Monsieur Bean, une petite mascotte bien rigolote d'à peine deux kilos et demi qui, d'un jappement haut et fier, nous fait clairement comprendre qu'ici, madame, c'est son royaume! Le petit Jack Russel-Beagle mélangé à un je-ne-sais-quoi-encore est aussitôt suivi de sa maîtresse, Carole, qui a encore les mains pleines de cette terre qui nourrira tout l'été les différents cépages. Elle nous accueille comme des amies de longue date.

« On a recueilli Monsieur Bean chez nous alors qu'il semblait perdu... Il errait dans le coin et finalement, à force de nous cotoyer, il s'est taillé sa place sur le vignoble. Il est de la famille maintenant! Bah, il n'est pas bien joli, mais tout le monde l'aime ! Il est trop sympathique!»

C'était justement ce que je me disais!

C'est de manière toute naturelle que Carole et moi avons engagé la conversation. : ma porte de voiture accidentée, les chiens de ma fille, la température...

« Ah! La température... Pour l'instant c'est encore trop tôt pour juger de la qualité du vin que nous produirons cette année. Une chose est certaine, c'est qu'on a du retard. Le printemps s'est fait attendre par rapport aux autres années» me confie Carole en balayant son terrain du regard, un sourcil froncé.

Déjà, cinq clients arrivent. Monsieur Bean y va de son fameux accueil suscitant encore quelque oh! et quelques ah! amusés. En bonne hôtesse, Carole s'excuse. Je sors mon bloc-notes et mon appareil photo.

J'écoute la conversation qui tourne, de toute façon, à peu près autour de celle qu'on vient de laisser en plan.

-  Alors, cette année? Sera-t-elle aussi bonne que 2005?

-  Trop tôt pour le dire, mais on a du retard... On fera, certes, aussi bien, sinon mieux que 2006 qui a été plutôt moyenne à cause des pluies et de la fameuse invasion de mulots... Mais d'un autre côté, 2005 a été une année tellement fabuleuse pour le vin que je doute qu'on puisse faire mieux. Bah, c'est comme d'habitude, au fond, on se croise les doigts et on s'incline devant les caprices de Dame Nature en espérant qu'elle se montrera clémente! Avant août, de toute façon, tout n'est que spéculation... On a de bons signes, quand même, certaines vignes sont déjà éveillées, le sol est beau, sec, c'est de bon augure.

En écoutant Carole répondre aux questions de ses visiteurs, je réalise à quel point tenir un vignoble au Québec constitue un véritable travail de forçat, surtout dans les Laurentides où le défi majeur consiste à extirper les nombreuses roches montagneuses que la terre travaille à remonter à la surface durant tout l'hiver. C'est d'ailleurs à cette activité que se consacre le couple Carole Desrochers et Mario Plante en ce moment, en plus de devoir besogner à la taille des vignes pour que tout soit prêt à l'arrivée de l'été.

«Il y a quelques jours, Mario et moi avons travaillé 45 minutes sur une roche qui ne voulait pas bouger. Avec la pluie, le bruit assourdissant de la machine, la fatigue et les doigts engourdis par le froid, des fois, on se parle fort... Il faut être très unis, il faut qu'un couple soit très solide pour passer au travers de ces épreuves lesquelles, parfois, nous donnent comme l'impression d'avoir hérité de la terre de Caïn! Mais on passe au travers à chaque fois. Le vin, notre vignoble, c'est notre passion. Depuis plus de vingt ans qu'on produit notre propre vin, qu'on étudie, qu'on explore, qu'on essaie, qu'on raffine et qu'on perfectionne. Cet amour vrai pour notre travail, c'est une récompense, malgré le dur labeur que ça engendre. Aujourd'hui, les produits que vous vendons sont issus d'une longue étude et de milliers d'expériences de toutes sortes! Bonnes ou mauvaises...   Et le résultat est bon. Après tout, mon partenaire s'appelle Plante et moi Desrochers, aussi bien dire que nous étions prédestinés à exploiter un vignoble en montagne!»

Nous entrons. Nous dégustons. Le Rosois, un rosé frais aux arômes fruités parfait pour cette belle journée de printemps fait l'unanimité. Personnellement, j'en pige aussi pour l'Orélie, un blanc vieilli en fût de chêne. Les clients opteront finalement pour l'achat du Cuvée Saint-Vincent, un genre Riesling, épicé.

Le Vignoble des Négondos s'est mérité l'an dernier la Mention Grand Mérite National du monde agricole, par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du gouvernement du Québec et il est à noter qu'on peut y acheter nos produits dans le genre «13 à la douzaine».

À ce prix et avec une bouteille en prime, pourquoi ne pas faire le plein?

La pizza de Joe
(en fait, c'est la recette de son oncle qui la tenait de sa mère qui elle-même la tenait d'on ne sait plus qui, parce qu'elle n'avait aucune mémoire.)

•  Dis donc, le mois dernier tu nous as fait le coup du re-me-fe-le-me, mon cher Pablo!

•  C'est pas moi, c'est elle!

•  Ben vous étiez partis cueillir des pleurotes, fallait bien quelqu'un aux fourneaux, c'était   en train de cramer. Et puis, tout le monde n'avait pas lu la merveilleuse recette de    ratatouille!

•  C'est bon pour cette fois... Voyons cette recette de pizza. Alors il faut la pâte, la sauce, le fromage, les olives noires ridées, les épices ( thym, laurier) et les anchois.

•  Pour la pâte, c'est facile. Tu prends 500 grammes de farine, de l'huile (deux grosses cuillers à soupe), de la levure (un petit sachet de Fleishmann's) que tu as fait monter dans un peu d'eau tiède et de sucre auparavant, et de l'eau. Après avoir bien tout mélangé pour avoir la texture désirée, un peu élastique, tu la bat.

•  Tu la bat?

•  Oui, et puis tu la laisse monter au chaud sous un chiffon, pendant deux trois heures.

•  Mais ça fait pas une croute mince?

•  Y'a toutes sortes de manière de faire de la pizza. À la base, c'est de la pâte. Tu fais ce que tu veux après. Et puis moi j'ai envie d'une pâte comme ça. Mais si tu veux, tu vas voir chez le voisin italien comment il fait!

•  Quel caractère!

•  Bon, ensuite, pour la sauce, tu prends deux boites de tomates étuvées (x 500 g) et une boite de pâte de tomate. Un peu d'huile d'olive, le laurier (deux ou trois feuilles), le thym, sel poivre, une pincée de sucre et tu laisses mijoter au moins une heure (deux c'est mieux). Tu peux rajouter un peu d'eau si c'est trop épais. Tu chauffes ton four à 350, ensuite tu retournes à ta pâte. Tu la bat une dernière fois et   tu l'étends sur autant de plaques beurrées. Tu étales ta sauce sur la pâte, tu disposes les olives et les anchois, au goût, tu saupoudres généreusement de fromage rapé (j'aime bien la Mozzarella, mais quelque fois je mets du Cheddar ou du gruyère), et tu mets le tout au four entre vingt et trente minutes.

•  Slurp!

•  Comme tu dis. Pendant que ça cuit, tu prépare une énorme salade composée uniquement de laitue fraiche (de la frisée, idéalement) accompagnée d'une vinaigrette à base de moutarde de Dijon (une cuiller à soupe), vinaigre balsamique (deux cuiller à thé), citron (une cuiller à thé) et huile d'olive (au goût, mais de préférence pas plus que deux pour un, en volume).

•  Ça à l'air bon, mais c'est un peu aléatoire comme recette.

•  Ne sois pas obscène, la vie c'est aléatoire.

•  Côt!